La prévention du burn-out en entreprise : un sujet stratégique
En ce mois dédié à la santé mentale, MicroMégas a souhaité porter l’éclairage sur cette manifestation de la détresse au travail. Car si elle n’est désormais plus une nouveauté, elle souffre toujours d’un manque de prévention et de compréhension, souvent même de la part de celles et ceux qui en sont victimes.
30%. C’est la proportion de la population active qui serait proche du burn-out, en Belgique comme en France. Sans compter les travailleurs qui sont actuellement en incapacité de travail. Derrière ces chiffres, une réalité indéniable : l’épuisement professionnel existe, s’installe et a des conséquences humaines et économiques considérables.
Pour nous renseigner sur ce thème, nous avons échangé avec Anne Berrier, coach professionnelle certifiée PCC par l’ICF (International Coaching Federation) et partenaire de MicroMégas, exerçant en Wallonie et en France. Anne travaille notamment avec la médecine du travail en Belgique, en particulier dans la prévention et dans l’accompagnement post burn-out. Anne est coach référencée chez SenseCare (CESI) qui est un service externe de prévention et de protection au travail dont le rôle consiste à veiller au bien-être des travailleurs.
MicroMégas : Qu’est-ce qu’un burn-out ?
Anne Berrier : Il y a plusieurs phases dans ce qu’on appelle aujourd’hui le burn-out. Surviennent d’abord les symptômes avant-coureurs, puis, si le travailleur n’y prête pas attention, il peut atteindre la phase aigüe. S’ensuivent la phase de reconstruction et celle du post-burn-out.
Dans son cas extrême, l’image que j’ai, suite à la quarantaine d’accompagnements préventifs ou post-burn-out que j’ai réalisés, c’est une batterie vidée de son énergie, qui n’arriverait plus à se recharger. Je croise des personnes qui ne peuvent plus faire autre chose que dormir, ou pour qui vider un lave-vaisselle devient l’activité de la journée. Et je ne caricature pas. Leur corps n’est plus capable de les mener au travail.
Une fois la phase aigüe passée, ils sont susceptibles de reprendre une vie sociale, sans pour autant être capable de reprendre le chemin travail. Dans la plupart des cas, rien que de s’approcher du lieu de travail, passer dans la rue de leur entreprise est source d’angoisses terribles.
µM : Tu parles de signes avant-coureurs du burn-out, quels sont-ils ?
A.B. : Oui, en effet, la phase aigüe peut être évitée si l’on intervient au moment des signes précurseurs.
Au niveau physique, les signes suivants sont fréquents : troubles du sommeil ou fatigue même après une « bonne nuit », signes d’anxiété, troubles digestifs, maux de ventre, tensions musculaires, « petites » maladies à répétitions (rhume, toux, etc.)
Les symptômes cognitifs connus sont des troubles de l’attention, de la concentration et de la mémoire. Ils s’accompagnent souvent d’un sentiment de ne plus être compétent, d’une perte de confiance en soi. Les personnes deviennent plus irritables, font de petites erreurs qu’elles ne faisaient pas habituellement.
Sur un aspect comportemental, on observe souvent une détérioration des relations, une volonté de s’isoler et de se renfermer sur soi chez les personnes qui s’approchent du burn-out.
Évidemment, tous ces symptômes ne sont pas absolus mais à comparer avec un état habituel de la personne. Toutes les personnes qui démarrent au quart de tour ne couvent pas un burn-out !
Enfin, les symptômes ne se présentent pas toujours tous et se partagent avec d’autres maladies, ce qui ne facilite pas le diagnostic d’un burn-out. Souvent, une personne en burn-out ne sait pas qu’elle est en burn-out et c’est bien là le problème !
µM : Quelles sont les conséquences d’un burn-out ?
A.B. : Les conséquences d’un burn-out se posent à l’échelle individuelle et à l’échelle collective (NDLR : Micro et Mégas).
On observe que plus l’individu va « loin » sans écouter les signes précurseurs, plus il y a de chances qu’il plonge dans un burn-out sévère. Et plus il prendra du temps à se reconstruire. D’où l’intérêt absolu et évident de faire de la prévention. A terme, un burn-out peut provoquer des séquelles cognitives et physiques. La capacité de concentration, la mémorisation peuvent mettre 2 à 3 ans à revenir après un burn-out.
À l’échelle de l’organisation, un burn-out a bien-sûr des conséquences opérationnelles. Un-e employé-e qui « prépare » un burn-out est susceptible de s’absenter de plus en plus souvent et/ou de plus en plus longtemps. Ou il-elle s’écroule soudainement. S’ensuivent des conséquences économiques notables – absentéisme, cessation d’activité, coût d’une nouvelle embauche et d’une nouvelle prise de poste… (NDLR : s’ajoutent à cela, au niveau national, les coûts des soins, ce qui conduit à une addition annuelle entre 2 et 3 milliards d’euros en France). En Belgique, le coût des arrêts longue durée est supérieur au coût du chômage !
µM : Pourquoi la question du burn-out est-elle stratégique ?
A.B. : Au-delà de ces considérations pécuniaires et sanitaires, les conséquences pour l’organisation sont d’ordres social et stratégique car les burn-out à répétition sont le signal d’un dysfonctionnement dans l’entreprise, d’un dysfonctionnement de la société dans son ensemble.
Dans la grande majorité des cas, les personnes victimes de burn-out sont consciencieuses, engagées, compétentes. Ce qui les conduit au burn-out, ça n’est pas nécessairement la trop grande charge de travail mais une combinaison de facteurs dont la pression, le manque de sens, le manque de reconnaissance, le manque de clarté, etc. Et ces questions-là sont des questions stratégiques pour une organisation.
µM : Que peuvent mettre en place les dirigeants d’entreprise ?
A.B. : La plupart des personnes que j’ai accompagnées en post-burn-out ont excellé (si on peut dire ça) dans le fait de tenir longtemps avant de s’écrouler. Elles prenaient une semaine ou deux de congé (maladie ou pas !), puis revenaient au travail pour s’arrêter de nouveau… C’est une des preuves qu’elles-mêmes ne voyaient pas clair dans ce qu’il était en train de leur arriver.
Comme dans de nombreux sujets de société, la prévention est stratégique et celle-ci peut prendre plusieurs formes : sensibilisation et formation des managers, de la direction, écoute réelle des employé-e-s, diffusion de témoignages… La Société a souvent tendance à opposer l’employeur et le salarié mais le burn-out est un sujet commun, nuisible aux deux parties. La prévention profiterait aux deux et remettrait l’humain au centre du débat.
Aujourd’hui, heureusement ou malheureusement, le sujet est “à la mode” mais il reste tabou et souffre de préjugés. Même l’entourage bienveillant des victimes peine à comprendre la souffrance de leur proche. Parler du burn-out est essentiel : plus on en parle, plus on peut le prévenir, et moins on reste dans des croyances.
Et les effets de la prévention sont visibles : en Belgique, la prévalence est plus élevée dans la partie francophone du pays que dans la partie néerlandophone qui vraisemblablement met davantage l’accent sur la sensibilisation.
µM : Et vous pouvez retrouver la suite de l’entretien avec Anne par ici ! Nous y abordons le coaching comme allié dans la prévention du burn-out.