Le coaching, un allié dans la prévention du burn-out ?
Nous poursuivons notre rencontre avec Anne en nous interrogeant désormais sur le rôle que pourrait jouer le coaching dans ce dispositif de prévention, crucial dans l’endiguement de l’épuisement professionnel.
Dans un précédent article, Anne Berrier, coach professionnelle certifiée ACC par l’ICF (International Coaching Federation) et partenaire de MicroMégas, exerçant en Wallonie et en France, nous faisait part de son expérience sur le burn-out.
Travaillant notamment dans la prévention et dans l’accompagnement post burn-out avec la médecine du travail en Belgique, Anne témoignait sur le caractère stratégique de la prévention du burn-out en entreprise, fléau dont pâtissent les salarié-e-s et les dirigeant-e-s.
Avant de poursuivre, nous recommandons la lecture de la première partie de l’entrevue, abordant les manifestations d’un burn-out ainsi que ses conséquences à l’échelle Micro et à l’échelle Mégas.
MicroMégas : Quelle place le coaching pourrait-il avoir dans la prévention au burn-out ?
Anne Berrier : Les coachs peuvent intervenir après un burn-out, en phase de reconstruction, pour accompagner à (re)poser les bases d’une vie plus ajustée par rapport à soi, à (re)fixer des repères. Mais ce serait bien plus efficace d’intervenir avant, en prévention ! J’observe dans mes accompagnements que le chemin est bien plus difficile après un burn-out que si ce chemin avait été effectué avant. Et de très loin.
En prévention, le coaching permet de renforcer l’estime de soi et la conscience de soi. De s’autoriser à s’écouter lorsque l’on sent que quelque chose ne va pas sans pouvoir le décrire plus précisément. Ce type d’accompagnement offre un cadre de protection qui invite à prendre au sérieux les signaux du corps et l’intuition. Et en écoutant ces signaux, on peut éviter un burn-out. Un parcours de développement personnel, un travail sur soi, une pause introspective, une reconnexion à l’ici et maintenant, en sont les clés.
En revanche, il est délicat pour un coach d’agir pendant la phase aigüe car l’individu ne peut rien construire à ce moment-là. Il doit prendre soin de lui, dormir, consulter d’autres professionnels spécialisés (médecins, psychologues, etc.). L’apport du coach est surtout judicieux lorsque la personne commence à pouvoir se projeter.
µM : Comment travailles-tu à la prévention du burn-out ou en reconstruction avec tes clients ?
A.B. : En prévention comme en reconstruction, j’utilise régulièrement la grille de lecture des talents CliftonStrengths de Gallup, pour laquelle je suis certifiée. Elle permet de gagner en conscience sur notre caractère unique, de conscientiser nos forces naturelles et de mettre en lumière ce que nous avons à offrir au Monde.
Dans la même optique de développement de la conscience de soi, je suis adepte des Pratiques Narrative (Arbre de Vie, Chemin de Vie, etc.). J’utilise aussi l’approche corporelle, le photolangage… Chaque coach a sa singularité.
En reconstruction, le coaching offre un espace dédié où l’on célèbre les petits pas pour les conscientiser et regagner la confiance perdue. Les gens estiment normal de “sortir faire ses courses au supermarché”, mais j’aide à re-contextualiser pour mieux célébrer. Il m’arrive souvent de donner de petites tâches à accomplir entre deux séances. Exemple : compter le nombre de fois que l’on s’est souri avec douceur (auto-compassion) dans le miroir et le noter dans le téléphone avec un smiley.
µM : Qui vient te voir en coaching parce qu’il suspecte un burn-out ?
A.B. : Personne, c’est tout le problème. Pratiquement personne n’est arrivé chez moi en ayant identifié lui-même des signes de burn-out. Certainement par manque de sensibilisation et par ténacité. Les personnes avec qui je travaille me sont envoyées par la médecine du travail, après que celle-ci a posé le diagnostic.
Pourtant tout le monde est potentiellement à risque : hommes, femmes, employé-e-s, indépendants, managers, collaborateurs. Même les travailleurs de moins de 25 ans sont concernés.
µM : Comment s’en rendent-ils compte alors ?
A.B. : C’est très variable. Les gens aiment qu’on leur dise “si c’est normal ou pas”, ça n’est pas mon rôle, même si j’ai ma propre intuition.
Parfois, des clients viennent me voir pour une toute autre problématique, par exemple avec le souhait d’améliorer leurs compétences managériales. Et lors de nos séances, on s’aperçoit qu’ils sont au bout du rouleau. Ils se posent beaucoup de questions sur leur capacités, leur légitimité et nous décelons des signes précurseurs de burn-out.
D’autres personnes arrivent en pressentant que quelque chose ne va pas. Elles sont tellement engagées qu’elles n’imaginent pas lever le pied un seul instant. Elles tiennent le coup… Jusqu’à ce que ce ne soit plus possible. Et c’est le corps, physique, qui le leur dira, qui ne leur laissera plus d’autre alternative que de s’écrouler (littéralement parfois).
Les problèmes d’addiction sont également fréquents, pour tenir encore… Quand les personnes tiennent encore, je leur pose des questions comme celles-ci : “Comment tu te sens par rapport à cette situation ?”, “Qu’est-ce-que tu en penses, tu trouves ça normal ?” plutôt que dire “Tu t’approches sérieusement du burn-out !”. Dans leur état, elles sont dans un tel déni qu’elles ne l’entendraient même pas. La limite est évidemment personnelle. Au cours d’un parcours de coaching, les clients reprennent le pouvoir qu’ils ont sur eux-mêmes, en discernant ce qui est acceptable ou pas pour eux. Et parfois commencer à accepter qu’elles sont en train de vivre un burn-out.
Quoi qu’il en soit, seul un médecin peut valider le diagnostic d’un burn-out.
µM : Quelles premières questions poserais-tu à un talent qui lirait cet article et se reconnaîtrait dans des signes précurseurs du burn-out ?
A.B. : Je l’inciterais à une prise de recul pour qu’il sente de lui-même si c’est juste (dans le sens « justesse ») ou non pour lui de vivre ce qu’il est en train de vivre. Deux pistes :
Je lui suggérerais par exemple d’écouter sa petite voix, son intuition. Qu’est-ce qu’elle lui dit ? Toutes (et je n’aime pas dire “toutes” mais là je pense que c’est le cas…) les personnes que j’ai accompagnées en reconstruction l’ont rapporté : “je sentais que quelque chose n’allait pas, mais je ne me suis pas écouté-e.”
Je l’inviterais également à conscientiser les signaux du corps : notre corps est là pour nous donner les informations. Comment est-ce-que tu te sens dans l’état que tu es en train de me décrire ?
µM : Un dernier partage en relation avec le sujet ?
A.B. : En néerlandais, ne dit-on pas « een burn-out krijgen » (« recevoir » un burn-out) ? En français, on dira « faire » un burn-out… Alors, le fait-on ou le reçoit-on ?
Une grande partie de ceux qui en ont souffert est reconnaissante de ce que cette épreuve leur a apporté ! Mais ça c’est une autre histoire…